ARRET n° 15/CIV du 04 avril 2024

22 décembre 2024

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NYUNGBOYE

COUR SUPREME

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CHAMBRE JUDICIAIRE

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SECTION CIVILE

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DOSSIER n° 114/CIV/2022

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POURVOI n° 47/GCAY du 18 juin 2021

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A R R E T  n° 15/CIV

du 04 avril 2024

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AFFAIRE :

KETCH Sarl et KETCHA Jean

   C/

Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC)

 

RESULTAT :

 

La Cour :

 

(VOIR LE DISPOSITIF)

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PRESENTS :

  1. FONKWE Joseph FONGANG Président de la Chambre Judiciaire ………………….....…...PRESIDENT ;

Mme NKO TONGZOCK Irène ……….................................Conseiller ;

  1. ABE AVEBE Joseph......Conseiller ;

……………………..…….…Membres ;

  1. NDJERE Emmanuel…...Avocat Général ;

Me MENGUELLE Bertille... Greffier ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

REPUBLIQUE DU CAMEROUN  -

AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS  -

----L’an deux mille vingt quatre et le quatre du mois d’avril ;

----La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Section Civile ;

----En audience publique ordinaire, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

----ENTRE :

----KETCH Sarl et KETCHA Jean, demandeurs à la cassation, ayant pour conseil Maître MEKAKOUING Jéhu, Avocat à Douala ;

D’UNE  PART

----Et,

----Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC), défenderesse à la cassation ;

D’AUTRE  PART

----En présence de Monsieur NDJERE Emmanuel, Avocat Général près la Cour Suprême ;

----Statuant sur le pourvoi formé suivant déclaration faite le 18 juin 2021 au greffe de la Cour d’appel du Centre, par Maître MEKAKOUING Jéhu, Avocat à Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de la KETCH Sarl et KETCHA Jean, en cassation contre l’arrêt contradictoire  n° 423/REF rendu le 04 juin 2021 par la susdite Cour statuant en matière civile dans l’instance opposant ses clients à la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC) ;

LA COUR :

----Après avoir entendu en la lecture du rapport Monsieur ABE AVEBE Joseph, Conseiller à la Cour Suprême, substituant Monsieur Roger SOCKENG, Conseiller-Rapporteur ;

----Vu le pourvoi formé le 18 juin 2021 ;

----Vu la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée ;

----Vu l'arrêt d'admission n° 51/EP rendu le 09 mars 2023 par la formation des Sections Réunies de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême ;

----Vu le mémoire ampliatif déposé le 15 juillet 2022 par Maître MEKAKOUING Jéhu, Avocat à Yaoundé ;

----Vu les conclusions de Monsieur Luc NDJODO, Procureur Général près la Cour Suprême ;

----Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

----Sur le premier moyen de cassation en ses deux branches réunies et présentées comme suit :

----« PREMIER MOYEN DE CASSATION FONDE SUR L'ARTICLE 35 & 1 litt. e) DE LA LOI                  N° 2006/016 DU 29 DECEMBRE 2006 MODIFIE ET COMPLETE PAR LA LOI                      N° 2017/014 DU 12 JUILLET 2017 FIXANT L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT COUR SUPREME, PRIS DE LA VIOLATION MANIFESTE DE LA LOI, NOTAMMENT L’ARTICLE 13 & 3 et 4 DE L’ACTE UNIFORME OHADA RELATIF AU DROIT DE L’ARBITRAGE

----L’article 13 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage se lit de la manière suivante :

----"Lorsqu'un litige, dont un tribunal arbitral est saisi eu vertu d'une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente ;

----Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente, à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle.

----En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence, Toutefois, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction ; en cas d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra s'exécuter dans un Etat 'non partie à, l'OHADA, ordonne, des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un examen du litige au fond, pour lequel seul le Tribunal est compétent";       

A - PREMIER MOYEN PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE, POUR VIOLATION DE L'ARTICLE 13 & 2 DE L'ACTE UNIFORME OHADA RELATIF AU DROIT DE L’ARBITRAGE :

Dans le sillage du juge primaire des réfés, la chambre des référés de la Cour d'appel a méconnu allègrement l'article 13 susvisé en soulevant d'office son incompétence

----L'article 13 & 3 de l'Acte uniforme OHADA relatif au droit de l'arbitrage énonce que:

----« (….)

----En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence.

EN CE QUE

----Bien qu'il relève expresment que "la BICEC n'a ni comparu, ni conclu", l'arrêt entrepris confirme l'ordonnance du premier juge qui s'est déclaré d'office incompétent "ratione materiae" sur l'observation que "les articles 15 et suivants des deux conventions donnent .compétence à la Chambre de Commerce Internationale de Paris en cas de difrend;

----contrairement aux allégations des appelants, il ne s'agit pas d'une voie de fait, mais bien
évidemment d'un difrend né de l' ecution de ces conventions, notamment la levée degaranties des dettes que la société KETCH prétend avoir déjà remboursées" ;

          ALORS QUE

----L'article 13 alinéa 3 de l'Acte uniforme OHADA relatif au droit de l'arbitrage prescrit de fon formelle et éclatante, que :

---- « En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence » ;

----En la cause, il est de fait que BICEC S.A n’a jamais comparu ni conclu, pas plus qu’elle s’est fait représenter, aussi bien devant les juges de référés de première instance que devant son homologue d’appel ;

----Par suite, en relevant d'office l'incompétence du juge des référés, l'ordonnance du premier juge méconnaît, par refus d'application, le texte visé au moyen ;

----Et, en confirmant purement et simplement cette décision, l’arrêt entrepris revêt le même vice, fait d’autant plus irrémissible que les recourants avaient, dans leurs écritures communiquées à l’audience du 02 septembre 2020, invité la Cour d’appel à infirmer l’ordonnance querellée pour violation de l’article 13 de l’Acte Uniforme susvisé ;

----Au surplus, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA interprète strictement ce texte ;

----C’est ainsi que, dans son arrêt N° 9 rendu le 29 juin 2006 dans l’affaire opposant F.K.A à H.AM. (Juris-Ohadan° 4/2006, p. 2), la première chambre civile de la Haute juridiction communautaire rappelle, en force de principe, le postulat de l'interdiction faite au juge étatique, saisi d'un difrend justiciable d'un tribunal arbitral, de soulever d'office son incompétence, c'est-à-dire sans y avoir été convié par l'une des parties litigantes :

---- « Une juridiction étatique, saisie d'un litige qui relève de la compétence d'un tribunal arbitral en vertu d'une convention d'arbitrage, ne peut décliner sa compétence qu'à la condition que  l'une des partie lui en fasse la demande » ;

----Dans la même veine, dans son arrêt                     n°047/2010 prononcé le 15 juillet 2010 (Légal RDC, wwwlegalrdc.com), la deuxième chambre de cette même Cour régulatrice enfonce le clou en relevant en application de l'article 13 susvisé que, lorsqu'elle est excipée pour la premre fois en cassation devant la CCJA, l'exception d'incompétence du tribunal étatique en présence d'une clause compromissoire ne peut trouver grâce devant cette juridiction supranationale, en tant qu’elle constitue un moyen nouveau qui, de ce chef, doit être déclaré irrecevable ;

----La CCJA applique donc, dans-toute sa rigueur, les prévisions de l'article 13 alinéa 3 de l'Acte uniforme OHADA relatif au droit de l'arbitrage ;

----Par voie de corollaire :

----La cassation de l’arrêt déféré ne peut prêter à débat ;

----B- PREMIER MOYEN PRIS EN SA SECONDE BRANCHE POUR VIOLATION DE L’ARTICLE 13 ET 4 DE L’ACTE UNIFORME OHADA RELATIF AU DROIT DE L’ARBITRAGE

----L’article 13 et 4 de l’Actez uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage se décline ainsi qu’il suit :

----Toutefois, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction, en cas d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra s'ecuter dans un Etat non partie à l'OHADA, ordonne des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un examen du litige au fond, pour lequel seul le Tribunal est compétent" ;

----Ce texte n'est guère que la reproduction littérale de l'article 1449 alinéa 1er du Code de procédure civile français, texte qui qui se lit de la manière suivante :

----"L'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire" ;

----Or, il est admis de science juridique certaine, en interprétation de ce texte, que l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'une partie saisisse, en cas d'urgence, juge des référés aux fins de faire cesser un trouble manifestement illicite, une voie de fait, ou de prévenir un dommage imminent, à la condition que le tribunal arbitral ne soit pas encore constitué, c'est-à-dire avant gue le dernier arbitre constitué ait accepté sa mission (voir : Le référé et la clause compromissoire - CA Douai, 4 septembre 2014, RG n° 14/02793, in www.lettredesreseaux.com, qui retient que "l'existence d'une clause d'arbitrage n'interdit pas aux parties de recourir au juge des référés"; J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile, 26e éd. Dalloz, p. 1094, n° 1644 et la jurisprudence citée ; voir aussi la jurisprudence ancienne, antérieure à l'adoption de l'article 1449 du Code de procédure civile : Cass. corn., 4 nov.1959, in Gaz. Pal. 1960; 1, 191: nonobstant l'existence d'une convention d'arbitrage, le juge des référés peut ordonner des mesures urgentes ou faire cesser un trouble manifestement illicite; Cass. civ., 9 juin 1979, in Rev. arbitrage 1980, 78, note Courteault : compétence du juge des référés, malgré la stipulation d'une clause compromissoire, pour constater le jeu d'une clause résolutoire de plein droit clairement exprimée ; C.A. Rennes, 1èrech., 21 mars 1979, SA Thalassa International c/Ruhl-Mann:

----"les parties ne peuvent toutefois, par l'adoption d'une clause compromissoire, se priver du droit de saisir le juge des rérés dont la compétence réside, indépendamment de la nature de la contestation, dans le caractère d'urgence du litige"; C.A. Renne, 6e ch.. 16 juin IT.983, Le Garantiezec c/Emery: "Considérant que la cision n'est pas critiquée en ce qu'elle a très justement rappelé que la clause compromissoire d'un contrat n'interdit pas le recours au juge des référés ») ;

----Le trouble manifestement illicite s’étend de « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » (Solus et Perrot, n°1289, cité in « Droit et pratique de la procédure civile », sous la direction de S. GUINCHARD, Dalloz, Action 2005/2006, P : 138, N°124.201). Cette notion correspond à la voie de fait, fréquemment invoquée pour justifier l’intervention du juge des référés, juge de l’évidence et de l’incontestable ;

----Dans l'hypothèse considérée, le dommage est déjà réalisé, comme en l'occurrence, et le juge des référés est invité à prendre une mesure "répressive" destinée à mettre fin à une situation provoquant une atteinte dommageable et actuelle aux droits ou intérêts légitimes du demandeur (Estoup, 1998, n° 88, cité in "Droit et pratique de la procédure civile », ibid) ;

----En outre, dans l’appréciation de la condition d’urgence qui permet, en l’absence de constitution du tribunal arbitral, de déroger à la compétence des arbitres pour saisir le juge des référés d'une demande tendant à désamorcer une voie de fait, il est tenu compte notamment (voir : Arbitrage et référé : chronique de jurisprudence française de la Revue de l'arbitrage, par Jérôme Bardet, in Revue de l'arbitrage 2020, n°2 du 03/08/2020) :

-de l'existence ou non d'un péril financier, des difficultés de trésorerie résultant du retard de paiement des sommes réclamées, étant exigé que les "importantes difficultés de trésorerie justifiant l'urgence à demander au juge des référés le paiement d'une provision" existent au jour de l'assignation en référé, date à laquelle s'apprécie la compétence du juge (CA. Paris, Pôle 1 - Ch. 3, 26 juin 2019, Sté 2H EnergyC/ GE Energy Power Conversion France,-;: qui, pour juger de l'existence ou nom d'un péril financier de nature à justifier l'urgence de saisir le juge des référés, a non seulement scruté les comptes de la société qui demandait une provision pour déterminer si ses difficultés de trésorerie étaient réelles, mais a également recherché, en détail, si ces difficultés de trésorerie pouvaient être "directement" liées au retard de paiement des sommes réclamées. Enfin, la Cour d'appel de Paris a étudié si la société adverse pouvait, elle aussi, se trouver dans une situation de "précarité financière" ; CA. Paris, Pôle 1 - Ch. 2, 27 fév. 2020, Sarl Ecomar c/ SCCV Les Hauts de Rivière Roche, qui observe que la société demanderesse produit une attestation de son expert-comptable selon laquelle elle connaît de graves difficultés depuis deux ans, avec une perte de 1.478.779 euros essentiellement due au chantier litigieux, de sorte qu'il y a  urgence à obtenir le règlement de la créance; cette attestation suffit à caractériser l'urgence, au sens de l'article 1449 du Code de procédure civil, et permet de saisir le juge des référés même en présence d'une convention d'arbitrage; l'auteur de la "Chronique de jurisprudence française de la Revue de l'arbitrage susvisé fait état, par ailleurs, d'un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse qui a jugé que l'urgence, qui "s'apprécie in concreto", est caractérisée lorsque "la preuve est suffisamment rapportée de graves difficultés financières mettant en péril la pérennité de la société qui sollicite la provision ») ;

-de "l'ancienneté de la créance et de son montant" et le fait que la fenderesse ne conteste pas· devoir une partie des montants réclamés, érigeant ainsi l'absence de contestation sérieuse en crire de la compétence du juge des férés (CA. Lyon, ch. 8, 17 sept. 2019, SAS Topcars c/ SCI du 25 rue Robespierre : CA Paris, Pôle 1 - Ch. 2, 31 oct. 2019, SAS Litech Management c/ Sté Business Asia Consultants, qui s'appuie sur le fait que :  « la créance est relativement ancienne, que les derniers paiements de la société appelante sont intervenus  au printemps de l’année 2016, qu’à cette époque, le gérant de la société faisait état, dans ses courriels, de ses difficultés financières et de son absence de trésorerie……. » ; mais surtout, l’ancienneté est invoquée pour justifier l’urgence à saisir le juge des référés, parce que ce dernier doit faire "en sorte que l'illicite ne s'installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s'écoule ou de la procédure qui s'éternise» ;

----En effet, selon les termes fort heureux de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation française, "toujours présent et disponible (….), il (juge des référés) fait en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise " (A Bamdé, in Procédure,  procédure civile, procédure de référé, tribunal judiciaire, posted  fév. 19, 2019) ;

-de l'impossibilité matérielle ou juridique de saisir le tribunal arbitral de Sa demande en temps utile pour préserver ses droits à ce-titre" (J. Bardet, in Revue de l'arbitrage 2020, op. cit.): il est constant qu'en la cause, en confisquant les garanties de KETCH Sarl, BICEC S.A. l'a mise dans l'impossibilité matérielle absolue de saisir la Cour d'arbitrage de la CCI à Paris;

----Par ailleurs, s’agissant de l’appréciation du caractère illicite du trouble, l’illicéité du fait ou de l’action critiquée peut résulter de la méconnaissance d'une disposition légale ou réglementaire (Cass. soc., 4 déco 1980, in JCP G1981, IV, 69; Cass. Com., 15 juin 1982, in Bull. civ. IV, n°233), d’une décision de justice antérieure (Cass. Civ. 21 oct. 1975, in D. 1975, IR, P. 256) d’une convention (Cass. 1ère civ., 8 déc. 1987, il Bull. Civ. I, N°342) ou de simple règle morale (TGI Paris, 30 nov. 1983, in Gaz. Pal. 1984, 1, 7, note Bertin) ;

---- Il est cependant exigé que l'illicéité soit manifeste. Il doit donc "sauter aux yeux" que la règle de droit, au sens large du terme, a été violé dans des conditions justifiant, sans contestation ; possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur (Bertin, " Un trouble manifestement illicite : la lutte contre la vie chère", in Gaz. Pal. 1983, chrono 419) ;

----Au surplus, certains auteurs ont relevé à juste raison que, lorsqu'un trouble manifestement illicite correspondant à une voie de fait a été commis, l'ordre public lui-même exige qu'il y soit mis fin sans délai (Bertin," Les férés des années 1980", in Gaz. Pal., n° spécial, p. 35, n°179; "Droit et pratique de la procédure civile", op. cit., p. 139, n° 124.211 in fine)

----En la cause, il va sans dire que l’illicéide la tention des garanties décriée et reproce à BICECS.A. procède de la méconnaissance avérée par cette dernière de son devoir de loyauté, de probité contractuelle, lequel s'évince inniablement des prévisions éclairantes de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, texte dont voici la voilure :

----"Elles (les conventions) doivent être exécutées de bonne foi" ;

----Surabondamment, cette illicéité résulte du mépris avéré de la convention des parties, laquelle constitue leur loi et fixe le terrain du désaccord, en vertu de l’article 1134 alinéa 1er et 2 du Code Civil, texte qui énonce, avec une clarté fulgurante, que :

----"Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ";

----C’est ce qu’on appelle la force obligatoire du contrat ;

----Il est avéré que les différentes lois d’airain des parties, de même que l’article 141 & 1 et 3 du Code des marchés publics, prévoient expressément la restitution des garanties ;

----En tout état de cause, l’urgence où se trouvent les recourants de recouvrer leurs garanties abusivement retenues, afin  de relancer les activités de KETCH Sarl justement en berne à cause de la voie de fait perpétrée est une évidence qui se passe de toute démonstration, en l'état démontants enveniment élevés des dites garanties, dont la rétention a pour inéluctable corollaire d'obérer irrésistiblement la trésorerie de l'entreprise, de l'asphyxier définitivement, précisément si le juge des référés ne vole à son secours en ordonnant la rétrocession, sans délai et sans condition, de ce qui lui échoit de droit ;

----Aussi bien, le parquet général près la Cour d'appel du Centre s'était-il prononcé en ce sens
puisque,
dans ses réquisitions datées du 29 avri1 2021, il a opiné pour l'infirmation de
l'ordonnance de référé contentieuse, sur l'observation que la BICEC qui refuse de lever
l
es garanties qui couvraient les dettes des appelants, a commis une voie de fait qui relève
de la compéte
nce du juge des référés ;

----Il s’ensuit, dès lors, que le juge des référés était compétent pour ordonner la rétrocession des garanties que BICEC S.A. continue de retenir de manière effrontée et illégitime ;

----La cassation de l’arrêt entrepris ne peut souffrir discussion » ;

----Attendu que le moyen en ses deux branches réunies est pertinent ;

----Attendu que l’existence d’une clause compromissoire dans une convention entraîne en principe l’incompétence du Juge étatique ;

----Que toutefois, l’article 13 de l’AUA prévoit deux exceptions majeures :

---- « Lorsqu’un litige, dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique » celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente si le Tribunal arbitral n’est pas saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle.

En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence » ;

----Attendu de même que la juridiction étatique peut, en cas d’urgence, prendre des mesures provisoires ou conservatoires malgré l’existence d’une convention d’arbitrage ;

----Que le Juge de référés du Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre-Administratif, suivi dans cette voie par la Cour d’Appel du Centre se sont limités à constater l’existence d’une clause compromissoire pour fonder l’incompétence matérielle du Juge ;

----Que pourtant, la Société BICEC S.A n’a pas conclu en instance et n’a donc pas soulevé l’incompétence matérielle pour cause d’existence d’une clause compromissoire ;

----Qu’en soulevant d’office son incompétence le Juge des référés a violé les dispositions de l’article 13 al 3 de l’AUA : « En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence » ;

----Qu’il s’agit d’une incompétence relative ;

----Que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a rendu plusieurs arrêts pour préciser qu’il ne revient pas au Juge étatique de soulever d’office l’incompétence du Tribunal. CCJA n° 020/2008 du 24 mars 2008 Rev. Arb. 2010  P. 585 et S ;

----Que l’arrêt n° 423/REF rendu le 04 juin 2021 par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, encourt cassation et annulation sans besoin d’examiner le second moyen, le dossier n’étant pas en état au sens de l’article 67 al 2 de la loi 2006/016 du 29 décembre 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême ;

PAR CES MOTIFS

----Casse et annule l’arrêt n° 423/REF rendu le 04 juin 2021 par la Cour d’Appel du Centre ;

----Evoquant ;

----Reçoit l’appel ;

----Infirme l’ordonnance entreprise ;

----Déclare le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre-Administratif compétent ratione materia ;

----Retourne le dossier à ce Tribunal pour statuer ce qu’il appartiendra ;

---- Condamne la défenderesse aux dépens ;

---- Ordonne qu’à la diligence du Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour d’Appel du Centre et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour pour mention dans leurs registres respectifs.

----Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire du quatre avril deux mille vingt et quatre, en la salle ordinaire des audiences de la Cour où siégeaient :

----M. FONKWE Joseph FONGANG, Président de la Chambre Judiciaire…………..……PRESIDENT ;

----Mme NKO TONGZOCK Irène……Conseiller ;

----M. ABE AVEBE Joseph...…………Conseiller ;

………….………………………..……....Membres ;

----En présence de Monsieur NDJERE Emmanuel, Avocat Général, occupant le banc du Ministère Public ;

----Et avec l’assistance de Maître MENGUELLE Bertille, Greffier audiencier ;

----En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Membres et le Greffier ;

LE PRESIDENT, LES MEMBRES et LE GREFFIER

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